Se former… toujours !
Pour rester à la pointe de leurs spécialtés, les lieutenants doivent poursuivre sans cesse leur formation.
« La voile pour se reconstruire »
Notre Odyssée débuta en novembre 2018, lorsque le Col (ER) Christophe C. prit contact avec les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan pour trouver un équipage capable d’armer l’un des navires affrétés par son association, la voile pour se reconstruire, afin de faire voyager des blessés des armées autour de la Corse. Seule l’équipe de voile de l’EMIA était capable de remplir cette mission.
L’association créée en 2014 vient en aide aux blessés de nos armées et à leur famille en leur permettant de se reconstruire autour de la voile. Régulièrement des équipages expérimentés prennent la mer pour encadrer nos blessés que ce soit à l’occasion de régates, comme lors de l’édition 2018 dans le Golfe du Morbihan, ou à l’occasion de croisières comme cette année avec le tour de Corse à la voile.
L’Histoire navale est étroitement liée aux armateurs et autres mécènes. Il en a été de même pour notre expédition. L’équipage a ainsi pu bénéficier du soutien inconditionnel de Terre Fraternité, de Tégo ainsi que de la Banque Française Mutualiste et de Feat Food Developpement.
Dès leur arrivée sur les docks où le poids et l’ennui leur courbent le dos, tout s’accélère pour appareiller au plus tôt. Les sacs jetés à fond de cale du Kérylos, il faut inspecter le rafiot, faire le ravitaillement et tout arrimer avant de prendre la mer.
Nos vieux loups de mer formés aux pires conditions climatiques lors de leurs périples sur l’Atlantique s’aperçurent assez vite que la Mare Nostrum pouvait leur réserver quelques surprises.
L’équipage est alors renforcé par nos frères d’armes blessés en opération extérieur et c’est grâce à leurs forces que nous appareillons le 27 avril du port de Propriano pour affronter une mer 5 et un vent de 7 à 8 Beaufort.
Les étapes se succèdent toutes aussi enchanteresses les unes que les autres, eux qui n’avaient connus que le ciel du nord purent débarbouiller ce gris en virant de bord. Bonifacio, Porto Vecchio, l’équipage profita des moments d’accalmie et des eaux turquoises pour échanger avec les blessés et les faire participer aux manœuvres. Ces moments contribuèrent à faire de cette traversée une expérience humaine hors norme comme seule la voile peut en créer. Le Kérylos entama alors sa remontée vers Bastia éclairé par la froide lueur de la lune et guidé par les étoiles.
Eux qui rêvaient depuis leur plus jeune âge de franchir Horn et Bonne Espérance durent se contenter du Cap Corse avant de mettre cap au Sud pour rallier Saint-Florent. Ils y laissèrent leurs frères d’armes pour embarquer trois pupilles de la nation avant de reprendre la mer en direction de Calvi.
Alors que le Kérylos larguait les amarres pour quitter Saint Florent, l’équipage fut mis en alerte. Un avis de grand frais venait d’être lancé sur le réseau de la flotte. Mettant à profit leur fine connaissance des sites spécialisés en météo marine, ils purent, après une heure de recherche acharnée, déterminer que cet avis concernait les Hébrides.
Le Kérylos appareilla avant le lever du soleil, à défaut de devoir tenir compte des marées, nous comptions prendre notre petit déjeuner au mouillage à proximité d’une plage paradisiaque, ni le bruit des moteurs, ni celui des manœuvres sous voiles ne vinrent troubler le sommeil de nos nouveaux compagnons qui ne furent finalement réveillés que par le fracas de la chaîne de l’ancre. Nous pûmes commencer à faire connaissance en dépit de la barrière du langage.
La traversée reprit en direction de Calvi, un charmant port de pêche habitant une étrange peuplade plus habituée à s’en remettre à Saint Michel qu’à la Sainte Vierge. Accueillis par un commandant du 2e Régiment Etranger Parachutiste, les membres de la flottille profitèrent de l’occasion pour resserrer les liens entre les différents équipages avant de reprendre la mer au petit matin.
Profitant d’une météo favorable l’équipage a ainsi pu réellement initier ses jeunes passagers à la manœuvre sous voile jusqu’à Cargèse où il fut temps de se dire adieu. L’équipage fut alors renforcé par six nouveaux membres, trois blessés et leurs épouses. Ils firent connaissance autour de quelques Pietra ambrées et de verres de rosé Corse avant d’appareiller pour la dernière étape de cette Odyssée.
Poursuivant la route vers le Sud le Kérylos mit le cap des Iles sanguinaires qu’il doubla par l’Est, accompagné par des dauphins. Après un copieux déjeuner le navire reprit sa route pour Ajaccio où la flottille était attendue par la fanfare de la 9ème Brigade d’Infanterie de Marine. Après l’aubade jouée devant la mairie d’Ajaccio ils appareillèrent, alors que le soleil jetait ses dernières lueurs rougeoyantes sur la baie d’Ajaccio, en dépit d’une mer légèrement formée pour passer la nuit au mouillage dans la baie de Porto Pollo.
S’ils voulaient fuir laissant là leur passé sans aucun remords, ils furent bien obligés de rallier leur base de départ. Il n’en demeure pas moins une aventure humaine hors norme, des rencontres exceptionnelles dont le souvenir les accompagnera bien longtemps, que ce soit lorsqu’ils rembarqueront pour retrouver la quiétude de l’océan, mais aussi bien plus souvent lorsque dans un peu moins de deux ans ils prendront le commandement de leur section.